Explorations sonores

Temps de lecture : 7 minutes

Chanter des mantras est l’une des pratiques les plus fascinantes et les plus efficaces que j’ai eu le plaisir d’expérimenter ces dernières années. C’est l’un des outils les plus efficaces pour équilibrer le système nerveux et nous aider dans notre transformation. Nous avons d’ailleurs déjà écrit une série d’articles assez approfondis sur le sujet. L’objectif de celui-ci est de commencer à explorer des possibilités parmi d’autres d’utiliser des sons universels et non connotés pour pouvoir offrir cette pratique au plus grand nombre sans forcément s’inscrire dans une tradition particulière.

Pouvoir de la parole, pouvoir du chant

Les mantras sont très connus dans la tradition indienne, mais le pouvoir de la parole est universel Dans la tradition judéo-chrétienne, « Dieu » commence la création par un mot. La Kabbale juive vénère les lettres hébraïques et les considère comme des chemins vers le divin. Il en va de même pour les soufis qui utilisent le pouvoir de la répétition des lettres ou des noms divins. Le taoïsme a une tradition importante de sons de guérison pour le corps et l’esprit. Nous trouvons des traditions de sons sacrés dans toutes les cultures anciennes du monde entier.

La science et les techniques modernes ont permis de démontrer le pouvoir du son. La cymatique en est un exemple fascinant qui montre les effets du son et les formes qu’il génère dans l’eau ou le sable. Maseru Emoto a publié les résultats d’expériences sur l’eau. Il a démontré photographiquement l’effet des mantras et des sons avec des résultats étonnants. Les cristaux dans l’eau exposés à des sons ou des pensées négatifs créent des formes prévisibles et négatives, tandis que l’eau exposée aux mantras, à la prière ou aux pensées positive crée des belles formes harmonieuses. Alors que les scientifiques sont divisés sur la fiabilité de ces recherches, il existe une hypothèse selon laquelle les sons et les mantras peuvent nous affecter à travers les fluides de notre corps de la même manière qu’ils affectent l’eau.

Une équipe de l’Université de Virginie-Occidentale a examiné les effets des mantras sur les troubles cognitifs et a constaté que le fait de s’engager dans un mantra Kirtan 12 minutes par jour pendant 12 semaines modifiait les taux du plasma sanguin impliqué dans le vieillissement cellulaire en corrélation avec des améliorations de la fonction cognitive, du sommeil, de l’humeur et de la qualité de vie (« Effets de la méditation et de l’écoute de la musique sur les biomarqueurs sanguins du vieillissement cellulaire et de la maladie d’Alzheimer chez les adultes atteints de déclin cognitif subjectif: un essai clinique randomisé exploratoire ». Publié en novembre 2018 DOI: 10.3233/JAD-180164. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30320574).

Une recherche indienne a montré que le chant de la Gayatri avait des effets significatifs sur l’attention, la mémoire, l’anxiété et l’état mental.

Une autre recherche a révélé que le chant augmentait le flux sanguin cérébral dans les zones du cerveau connues pour se détériorer chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

Le nerf vague est relié aux cordes vocales et aux muscles à l’arrière de la gorge. Chanter, fredonner et se gargariser peut activer ces muscles et stimuler le nerf vague. Gemma Perry, une chercheuse dans la science du chant affirme que le chant vocal répétitif peut avoir un effet direct sur le système nerveux parasympathique car il peut ralentir la respiration et activer le nerf vague.

Dans le yoga, les mantras sont une pratique sophistiquée et puissante. Les mantras ont des objectifs et des effets spécifiques et sont très souvent liés aux chakras. En plus des mots utilisés, l’intonation du chant est très importante et peut induire différents effets. La science du Nada Yoga traite de tout cela. Commençant l’exploration de sons universels et simples en commençant par le bourdonnement ou « Humming » en anglais.

Comme des abeilles

Le bourdonnement est un son instinctif que nous produisons tous depuis l’enfance. Tout le monde peut le faire. C’est aussi un son très puissant et profond. Une étude menée par le Medical college au Népal a montré que la pratique de Brahmari pranayama, qui inclut le son du bourdonnement, pendant cinq minutes, a un impact positif sur la fréquence cardiaque et la pression artérielle.

Des chercheurs suédois étudiant les effets du bourdonnement ont découvert qu’il déclenchait la libération d’oxyde nitrique dans la cavité nasale. L’hydroxyde nitrique est un neurotransmetteur qui provoque une vasodilatation, ou élargissement des vaisseaux sanguins, ce qui augmente le flux sanguin et diminue la pression artérielle. Il a également des effets sur le cerveau et le système nerveux car il a un impact sur la régulation de la plasticité synaptique, le cycle sommeil/ éveil et la sécrétion d’hormones.

Dans le livre « The humming effect », Jonathan et Andi Goldman suggèrent que les sons auto-produits en général et le bourdonnement plus spécifiquement libèrent de la mélatonine, de l’endorphine et de l’ocytocine.

Le même livre parle des abeilles et de leur bourdonnement en suggérant qu’en Égypte ancienne, le bourdonnement de l’abeille était censé stimuler la libération de super hormones connues sous le nom d’« élixirs de métamorphose ».

La technique est très simple, on peut associer certains mudras comme dans s. On peut aussi associer une intention, varier le ton ou en envoyer la vibration à une partie spécifique du corps.

Dans mon expérience personnelle, j’aime commencer par un bourdonnement de base en ressentant la vibration dans le crâne et le nez, et ensuite envoyer la vibration à des parties spécifiques du corps où je ressens de la raideur ou de la douleur, puis à toutes les cellules en y associant une intention. Une pratique que j’aime aussi et qui est mentionnée dans le livre « The humming effect » est de produire le son en le déplaçant le long de la colonne vertébrale à travers les zones des chakras.

Les voyelles sacrées

Chanter des voyelles est aussi un moyen très simple d’introduire le chant dans un cours de Yoga. Le « pouvoir » des voyelles est bien connu dans les traditions kabbalistiques et soufies. On dit qu’ils détiennent le pouvoir de la création et de la transformation. Dans cet essai, j’ai choisi de présenter deux usages des voyelles, l’un lié aux chakras basé sur les travaux de Jonathan Goldman ainsi que Domitille Debienass (« Le Yoga énergétique du son ») et l’autre lié à l’énergie intrinsèque des voyelles selon les enseignements de Tony Dabau l’un de mes professeurs de Yoga en France.

Commençons par les voyelles et les chakras.

Il y a quelques différences entre le travail de Domitille et Jonathan Goldman. Tous deux sont des thérapeutes du son accomplis et reconnus avec de nombreuses années de recherche. Comme toujours, la meilleure façon est d’expérimenter par nous-mêmes.

Pour Jonathan Goldman, voici les voyelles liées aux différents chakras :

  • Premier chakra : son UH (comme dans « huh ») avec un ton très bas concentrant l’attention sur la partie la plus basse du corps et sentant le son résonner entre les organes génitaux et l’anus.
  • Deuxième chakra : son OU (comme dans « vous ») avec une hauteur légèrement plus élevée que le l’UH du premier chakra.
  • Troisième chakra : O.
  • Quatrième chakra : AH.
  • Cinquième chakra : Aie.
  • Sixième chakra : Ey.
  • Septième chakra : I.

La pratique suggérée est de chanter le son sept fois dans chaque région, en commençant par sentir où le son vibre dans le corps, puis en le faisant vibrer intentionnellement dans la région des chakras correspondant.

Domitille Debienassis a une approche légèrement différente, elle associe OU au premier chakra, le O au second, et le An au troisième chakra. Elle associe A au chakra du cœur, È au cinquième chakra, É au sixième chakra et I avec le septième chakra. Elle insiste sur le fait que les effets ne peuvent être ressentis que si le son utilise pleinement le périnée et les muscles expiratoires créant une colonne d’air de bas en haut.

Domitille et Jonathan Goldman utilisent des sons différents, à l’exception du quatrième et du septième chakra. J’ai passé un certain temps à expérimenter ces méthodes, et elles produisent toutes deux un grand effet. Mon expérience personnelle m’amène à suivre Jonathan pour les trois premiers chakras (Uh, OU, O) et Domitille pour les autres, mais comme toujours chacun doit faire sa propre expérience.

Une autre approche intéressante des voyelles est celle enseignée par Tony Dabau, avec un effet associé à chaque voyelle qui peut être utilisé dans une pratique dédiée ou en association avec des postures.

  • A : régénère, ouvre et augmente la connexion avec soi-même.
  • E : permet de se connecter à la réalité et nettoie le système nerveux.
  • I : aide à la transformation et à la réalisation des vraies aspirations.
  • U : est le grand nettoyant, il nettoie l’énergie et fait de l’espace.
  • O : invite à se relier à nos actions et motivations et à les offrir au monde.
  • OU : calme et ancre.

Le chant des organes

Le Taoïsme utilise des sons pour guérir et se sentir mieux. Là encore, il existe de nombreuses versions et variations. J’ai essayé la méthode du Tao universel enseignée par Mantak Chia et expliquée dans son livre « Les six sons de guérison ». Les sons sont produits en séquence et associés à des mouvements spécifiques.

Je les combine aussi à certaines postures dans ma pratique. Mantak Chia suggère d’effectuer ces exercices debout ou assis sur une chaise, mais ils peuvent aussi être effectués dans la position assise jambes croisées ou sur les talons. Chaque son est associé à la conscience d’un organe et des émotions qui y sont liées, ainsi qu’à la visualisation d’une couleur. Je mentionne ici simplement le son et le mouvement mais tous les détails sont disponibles dans le livre.

Le son pour les poumons est « Ssss », très similaire au sifflement d’un serpent. Dans le Tao universel, les yeux ouverts, nous levons les bras sur l’inhalation jusqu’à ce qu’ils atteignent le sommet, les paumes tournées vers le haut, puis nous produisons le son.  Le son pour les reins est « Choooo » (comme lorsque l’on souffle une bougie avec les lèvres formant un « O »). Il est associé à un dos arrondi, les mains jointes aux genoux, la tête haute et les yeux ouverts.

Le son pour le foie est « Shhh » (langue près du palais). Les bras sont levés, les doigts croisés le buste légèrement penché vers la droite en sentant la compression dans le fascia autour du foie.

Le son pour le cœur est « Ha». Il est associé à la même posture que pour le foie mais le buste penché légèrement vers la gauche.

Le son de la rate est « Whoo » (de la gorge, guttural), presque comme un « Jota » espagnol. Dans le Tao universel, il est effectué en pressant la rate avec les doigts et en en se penchant vers l’avant.

Le son pour triple réchauffeur (qui n’est pas un organe mais est très important en médecine chinoise) est « Heeee ». Dans le Tao universel, cela se fait allongé sur le dos. À l’inspiration, nous amenons les bras derrière la tête, et à l’expiration, nous les ramenons avec le son.

Les pratiques mentionnées dans cet article ne sont pas exhaustives. Nous n’avons par exemple pas mentionné l’utilisation des Bija mantras, des consonnes, des lettres sanskrites… et j’explore toujours la « science » de Kototama ainsi que l’utilisation des lettres arabes et hébraïques. Tout un monde de possibilités pour expérimenter le pouvoir du son et qui donnera probablement lieu à d’autres articles dans la suite de celui-ci.

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