Le pouvoir du nerf vague

Avant ma participation à la formation Kundalini Global en 2022, mes connaissances sur le nerf vague se limitaient à quelques expériences personnelles, dont une ou deux syncopes vagales, l’une d’elles m’ayant même valu un œil au beurre noir pendant trois semaines. Carolyn Cowan, ma formatrice et psychothérapeute spécialisée dans le trauma, possède une passion contagieuse pour le potentiel du nerf vague. Elle soutient que ce nerf joue un rôle essentiel dans notre capacité à réguler nos émotions et met en avant l’efficacité de certaines pratiques de yoga pour optimiser son fonctionnement. Sa méthode de Kundalini Global intègre d’ailleurs des exercices spécifiquement conçus pour cibler le nerf vague.

Qu’est-ce que le nerf vague ?

Le nerf vague, ou dixième nerf crânien, est l’un des composants les plus essentiels de notre système nerveux. Jouant un rôle prépondérant dans presque toutes les fonctions physiologiques du corps humain, il agit comme un pont entre le cerveau et les muscles du visage, le cou, les poumons, le cœur, le diaphragme et l’abdomen avec tous ses organes vitaux. Son importance était connue depuis l’antiquité. La première mention connue du nerf vague provient du médecin grec Claude Galien. Dans son livre, L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux, Charles Darwin affirmait que le système nerveux central et le nerf vague participeraient à un échange dynamique et réciproque d’informations neurologiques qui influence l’expression spontanée des émotions.

Le nerf vague joue un rôle important dans la digestion, l’humeur, la santé du cœur et l’immunité. On a découvert que plus de 80% de ses fibres sont afférentes, c’est-à-dire qu’elles transmettent des informations sur l’état des organes internes au cerveau pour qu’il puisse mettre en place les actions nécessaires. Cette découverte a renforcé l’intérêt pour le potentiel thérapeutique de la modulation du nerf vague, notamment par la stimulation vagale, dans le traitement de diverses conditions, y compris les troubles inflammatoires, les maladies cardiaques, et la régulation du système nerveux.

Nerf vague, système nerveux et théorie polyvagale

Notre système nerveux repose sur l’équilibre entre deux « systèmes » : le système nerveux sympathique, associé à la réponse de lutte ou de fuite, et le parasympathique, lié à la relaxation, la digestion et la régénération. Ces deux systèmes sont censés fonctionner en alternance pour nous permettre de vivre de manière harmonieuse.

Malheureusement, le stress chronique et les traumatismes non résolus peuvent perturber cet équilibre, et nous maintenir de manière prolongée ou permanente dans le fonctionnement sympathique, nécessitant des outils pour nous permettre de basculer dans l’autre système. C’est là que le nerf vague prend toute son importance car le tonus vagal est un élément clé pour calmer le parasympathique et restaurer l’équilibre dans le corps.

La théorie polyvagale, élaborée par Stephen Porges, transcende la vision binaire du système nerveux autonome en identifiant deux branches distinctes du nerf vague : le nerf vague ventral, principalement myélinisé, qui se connecte au cœur, aux poumons et qui est responsable des expressions faciales, de l’intonation vocale et des muscles de l’oreille moyenne ; et le nerf vague dorsal, situé principalement sous le diaphragme, non myélinisé.

Ces deux branches, en collaboration avec le système sympathique, constituent les trois voies du système nerveux autonome selon cette théorie. La branche ventrale du nerf vague est associée à des états positifs tels que la relaxation, l’engagement social et des émotions telles que la joie et l’amour, favorisant ainsi un sentiment de sécurité. La chaîne sympathique spinale est activée en réponse à un sentiment de danger, déclenchant la réaction de lutte ou de fuite, tandis que la branche dorsale du nerf vague est responsable du ralentissement et de l’immobilisation, souvent observés dans des situations de danger extrême ou de stress accablant.

Cette théorie contient d’autres éléments que nous évoquerons peut-être lors d’un prochain article. Elle met en lumière l’importance de stimuler la partie ventrale du nerf vague et de cultiver un environnement sécurisé pour favoriser un fonctionnement optimal du système nerveux. Ces avancées ont ouvert la voie à des applications thérapeutiques ciblant le nerf vague pour améliorer la santé globale y compris dans le domaine du Yoga.

Yoga et nerf vague

Certains enseignants, dont Carolyn Cowan, affirment que le potentiel de régulation du Yoga est en partie lié à son action sur le nerf vague, et que la compréhension du lien entre Yoga et nerf vague permet de mettre en place des pratiques plus ciblées et plus efficaces notamment pour la gestion du stress et des émotions. En voici quelques exemples :

  • Étirements de l’avant du corps : Carolyn Cowan souligne l’effet positif sur le nerf vague de toutes les postures qui étirent l’avant du corps et ouvrent la région du cœur.
  • Mouvements et postures spécifiques : la compression et la décompression des zones traversées par le nerf vague aident à sa stimulation.
  • Respiration consciente : les techniques visant l’allongement de l’expiration et l’amélioration de la tolérance au CO2 sont particulièrement efficaces, tout comme les pratiques qui renforcent le fonctionnement diaphragmatique.
  • Chant et humming : les chants de mantras ou le Pranayama Brahmari stimulent le nerf vague à travers les vibrations sonores.
  • Relaxation et Yoga Nidra : la recherche d’un état de relaxation profonde dans les postures et à travers des pratiques guidées de relaxation soutient l’activation du système parasympathique.

Les nouvelles découvertes autour du nerf vague, du système nerveux et des neurosciences semblent montrer que les Yogis connaissaient déjà ce que les sciences modernes découvrent aujourd’hui. Cette hypothèse a été défendue par plusieurs Yogis et chercheurs. Dans son livre Le Pouvoir du Serpent, John George Woodroffe alias Arthur Avalon, a donné une description très détaillée des chakras qui révélait les correspondances avec la médecine occidentale : « le système nerveux tantrique est corrélé avec l’anatomie et la physiologie du système nerveux sympathique et parasympathique ».

Dans son ouvrage fascinant, The mysterious kundalini, le yogi et médecin indien Vasant G Rele partage une hypothèse intrigante sur le nerf vague : la Kundalini correspondrait à la partie droite du nerf vague. Il suggère que le contrôle exceptionnel du pouls et des organes, observé chez certains Yogis avancés, découle d’une activation consciente et volontaire du nerf vague. Ce faisant, ces Yogis parviendraient à réguler leur système nerveux autonome à volonté.

Dans ses conclusions, Rele s’appuie sur ses connaissances approfondies en physiologie occidentale et en pratiques yogiques, ainsi que sur ses expériences personnelles avec le Yogi Deshbandhu. Ce dernier, sous surveillance médicale, aurait réussi l’exploit de stopper son cœur et son pouls, témoignant ainsi des possibilités extraordinaires du contrôle yogique sur le corps.

Par ailleurs, l’examen des trois composantes du système nerveux autonome décrites dans la théorie polyvagale révèle des similarités frappantes avec les trois Gunas. La fonction ventrale du nerf vague se rapproche de Sattva guna, le guna qui symbolise l’équilibre et la connexion ; la réaction sympathique évoque Rajas, le guna de l’activité. Enfin, la réaction dorsale, qui peut mener à l’immobilisation, à la dépression, ou à l’effondrement, est curieusement semblable à Tamas.

En résumé, le nerf vague, bien qu’ayant longtemps été méconnu, pourrait être un des ponts qui relient la science moderne et la sagesse ancienne du Yoga. La compréhension de son fonctionnement permet de faire de grandes avancées dans la gestion du stress et la santé globale. La pratique du Yoga, notamment, offre des outils précieux pour stimuler ce nerf vital qui peuvent être utilisés de manière plus ciblée à la lumière des découvertes modernes. Ce domaine, en pleine évolution nous offre un champ infini d’exploration et d’expériences.

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